Hillary Clinton, Bernie Sanders : duel à gauche

Article : Hillary Clinton, Bernie Sanders : duel à gauche
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21 octobre 2015

Hillary Clinton, Bernie Sanders : duel à gauche

 

 

 

170151_600Hillary Clinton a remporté une manche lors du premier plateau télé entre les candidats démocrates, le 13 octobre à Las Vegas. Mais c’est définitivement son challenger Bernie Sanders qui a présidé au menu des débats.

Que retenir du premier débat des primaires démocrates et des commentaires qui l’ont suivi? Hillary Clinton a-t-elle triomphé, comme la presse unanime s’en est fait l’écho à l’issue de la soirée? Bernie Sanders a-t-il pulvérisé des records d’intentions de vote favorable dans les sondages en temps réel sur Internet? Joe Biden, qui avait délaissé son rond de serviette à ce premier tour de table est-il définitivement hors jeu? Ai-je bu trop de bière pour Bernie, avec les 150 supporters new-yorkais qui s’étaient donné rendez-vous dans ce pub de Midtown pour regarder ensemble le débat sur écran géant ?

Le spectacle, qui n’avait rien de commun avec le jeu de massacre forain des débats des républicains, avait néanmoins de quoi faire l’objet d’une savoureuse parodie. Il y avait dans la distribution des rôles, quelque chose de ces réunions de famille, où se côtoient autour de la maîtresse de maison, le cousin vétéran du Vietnam, Jim Webb, toujours en guerre contre le Vietcong; le gendre de gauche idéal, Martin O’Malley; le cousin de la haute, Lincoln Chafee, hébergé chez les démocrates depuis que son propre camp est squatté par le Tea Party; et le papé du Vermont, avec sa couronne de cheveux blancs en bataille et ses accents rocailleux, toujours prêt à s’insurger contre les profits des milliardaires et l’appauvrissement de la middle class, l’archaïsme du système de protection sociale, les injustices raciales et le système d’incarcération de masse, et le réchauffement climatique.

Bdanzcolorplus6270-668x501ernie Sanders n’est pas le type qu’on invite aisément pour égayer les dîners en ville de ses sourires affables et de ses bons mots. C’est pourtant lui qui a chauffé la salle et imposé les enjeux de ces élections, dénonçant un système électoral biaisé par le poids du financement des quelque 150 plus grosses fortunes, poussant le parti démocrate sur sa gauche et forçant Hillary Clinton à se positionner sur son terrain.

Comme si votre belle-mère abonnée au Figaro Madame vous annonçait soudainement qu’elle allait conduire une liste Front de gauche, on a vu la candidate favorite se revendiquer « libérale » plutôt que « modérée »; proclamer qu’elle poursuivait les mêmes buts que Sanders; affirmer que ses mesures contre Wall Street seraient plus dures et plus efficaces que celles de son concurrent; brandir la nécessité de « sauver le capitalisme de lui-même ». Au point que Donald Trump, toujours en des termes aussi fleuris, désignait presque Bernie Sanders comme son principal adversaire, estimant la «pauvre Hillary » à la remorque de « ce maniaque socialo-communiste », la seule invective de « socialiste » qui a surgi dans la campagne ne faisant apparemment plus assez recette pour effrayer l’américain moyen.

En amont du débat, Hillary Clinton avait également désamorcé quelques pommes de discorde avec le Sénateur du Vermont, en se prononçant contre le projet d’oléoduc Keystone entre le Canada et les Etats-Unis, et en désavouant le traité de libre-échange transpacifique, qu’elle avait pourtant ardemment encouragé en tant que secrétaire d’Etat.
Hillary Clinton a su encaisser les critiques et esquiver les coups de son propre camp en matière de défense – son soutien à la guerre en Irak et au Patriot Act, ou l’instauration d’une zone de non-vol en Syrie, option écartée par Obama – et surenchérir sur le contrôle des ventes domestiques d’armes à feu, un point faible pour son principal challenger. Mais c’est finalement Bernie Sanders qui est venu à sa rescousse sur l’usage de ses courriels personnels qui continuent d’empoisonner sa campagne.

Dans un cadre télévisuel taillé sur mesure pour elle par CNN – propriété de Time Warner Cable qui figure parmi les donateurs de sa campagne – et devant un public trié sur le volet, Hillary Clinton, affaiblie dans les sondages en septembre, a certes réussi à remobiliser l’attention des téléspectateurs et des militants démocrates. Et ce, en partie grâce à Bernie Sanders, qui a su réveiller l’enthousiasme d’un électorat de gauche en focalisant la campagne sur une réorientation de l’économie au service du plus grand nombre.

Au cours du débat suivi par 15168634_600 millions de spectateurs, Bernie Sanders, bénéficiant d’une plus grande visibilité auprès des électeurs, a enregistré 1,3 million de dollars de dons pour financer sa campagne et vu sa cote de popularité grimper de 5 points dans les sondages.

Hillary Clinton a consolidé son éligibilité à l’investiture démocrate et conserve une large avance sur Bernie Sanders. Cependant des doutes subsistent sur sa capacité à remporter la présidentielle face au candidat républicain. Elle aura notamment à répondre cette semaine de ses responsabilités lors de l’attaque de l’ambassade américaine à Benghazi en Libye en 2012, devant le comité d’investigation au Parlement emmené par les républicains. Une nouvelle épreuve pour rétablir la confiance, dans une campagne où rien n’est encore joué.

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