Paris et San Francisco : digital sister cities

23 novembre 2013

Paris et San Francisco : digital sister cities

null Si toutes les villes occupent 2% de la surface de la planète, elles consomment 50 % de l’énergie produite et génèrent 75% des émissions de CO2. Pour s’adapter aux défis démographiques et climatiques et réduire leur facture énergetique, Paris et San Francisco misent sur les technologies numériques.

Fait sans précédent dans l’histoire de l’humanité, 55 % des humains vivent aujourd’hui en ville. 80% des Américains et des Européens sont des citadins. En Chine, la population urbaine devrait s’accroître de 300 millions de personnes dans les 25 prochaines années, soit l’équivalent en construction de la totalité des villes des USA.

Paris, Londres, Shanghai, Singapour, Tokyo, New York, San Francisco ou Rio de Janeiro, sont confrontées aux mêmes problématiques : gérer quotidiennement les flux d’électricité, d’eau, de transport et de déchets pour des dizaines de millions d’habitants. Avec l’urgence de réduire la facture énergétique et les émissions de CO2, qui risquent d’aggraver, à courte échéance, les cataclysmes auxquels les mégapoles sont particulièrement vulnérables, comme Sandy l’a démontré  à New York, en privant d’électricité 1 million d’habitants pendant plusieurs jours. Transition plus rapide encore, les technologies de l’information et de la communication (TIC) connectent désormais 2,5 milliards de personnes via internet.

Réseaux et économies d’énergie

Si vous croyez encore que votre Smartphone ou votre Ipad ne sert qu’à faire des achats en ligne, gazouiller sur la toile ou échanger des photos sur votre compte Facebook, détrompez-vous.

Selon les estimations de l’Electric power Research Institute (EPRI), la possibilité de réguler en quelques clics et en temps réel la production, la distribution et la consommation d’électricité pourrait constituer dans les années à venir, un gisement de ressources et d’efficacité énergétique plus important que l’extraction du gaz de schiste.

Gabriel Meric de Bellefon est directeur technique au sein du département recherche et développement d’EDF USA. Ce jeune polytechnicien installé depuis cinq ans en Californie, pilote des projets scientifiques pour optimiser la mesure et la gestion des dépenses énergétiques à l’aide des nouvelles technologies, et développer des outils de prise de décision pour les villes. « La valeur ajoutée des ‘smart cities’ est de permettre aux villes de renforcer leur attractivité et leur résilience »  résume-t-il. En partenariat avec l’université de Berkeley et le service scientifique du consulat de France à San Francisco, EDF USA est à l’initiative du California France Forum on Energy Efficiency Technologies(CaFFEET), qui  réunit chercheurs, industriels, et décideurs politiques pour faire le point sur les villes intelligentes.

Si l’avenir des « smart cities » s’invente dans la Silicon Valley, l’innovation passe aussi par l’Hexagone. Spécialiste des medias, Jean-Louis Missika est élu à la ville de Paris en charge de l’innovation. « Nous vivons simultanément une crise financière et environnementale majeures. Cela nous amène à repenser notre développement pour « faire mieux avec moins » : moins d’argent, moins de dépenses d’énergies et de ressources naturelles, moins de pollution ». Depuis 2007, la ville de Paris a adopté un plan climat qui prévoit de réduire de 25% la consommation énergétique et les émissions de CO2 d’ici 2020. Pour y parvenir, l’administration parisienne a fixé des standards élevés d’efficacité énergétique pour la construction et la rénovation des bâtiments, la distribution d’électricité, de gaz et de chauffage, le recyclage des déchets.

Incubateur de startup

La métropole parisienne investit aussi massivement dans les moyens de transports moins polluants : tramway, bus électriques, vélo. Sur le modèle de Velib’, le service Autolib’, lancé il y a un an dans la capitale avec le groupe Bolloré, met à la disposition des citadins un parc de 4.000 voitures électriques et 6.000 bornes de charges publiques en libre-service. «La révolution technologique actuelle nous donne des outils qui étaient simplement inimaginables il y a trente ans » poursuit Jean-Louis Missika. Dans cette optique, la Région Ile de France a créé en 2009, le « Paris Region innovation lab », un incubateur de startup qui héberge 850 entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies et les énergies renouvelables. Son but : sourcer les solutions innovantes utiles aux services publics et aider les startup à les expérimenter sur le terrain.19 projets ont ainsi testés en 2013, comme celui de Datapole qui a mis au point un logiciel de calcul des flux des déchets ménagers à partir des achats effectués dans les supermarchés. Anticiper les volumes de déchets produits dans le but d’adapter les collectes à la variabilité des besoins servira à réduire la rotation des bennes à ordures. Un bénéfice non négligeable quand on sait qu’1 camion sur 3 circulant en ville transporte des déchets ménagers!

Des villes interactives

San Francisco s’inscrit dans une démarche similaire d’innovation et de développement durable. « Comme Paris nous avons lancé un nombre important d’appels à projet et de programmes pour nous aider à prendre en compte les changements climatiques et améliorer notre efficacité énergétique » témoigne Melanie Nutter, responsable du service environnement de la ville de San Francisco. Distinguée en 2011 ville la plus verte des États-Unis, San Francisco affiche un objectif de 100% d’énergies renouvelables d’ici dix ans, (actuellement 41%), une politique de zéro déchet d’ici 2020 (80% des déchets sont actuellement recyclés, compostés ou réutilisés au lieu d’être incinérés) et un objectif de réduction de 25% des émissions de CO2 dans les trois prochaines années.

Comme la capitale française, la « Golden Gate City »développe des programmes d’Open Data, plateformes web qui permettent d’accéder à une multitude de données publiques en ligne. « Cette politique d’Open Data, couplée à des réglementations et des mécanismes financiers incitatifs, aideles entrepreneurs à prendre des mesures pour réduire leur consommation énergétique », affirme Melanie Nutter. Le site web SF Energy map, en ligne depuis 2006, permet ainsi aux particuliers et aux entreprises de calculer la meilleure orientation des panneaux solaires sur les toits, leur coût d’installation et le prix de revient de l’électricité. Cet outil a multiplié par quatre l’installation de panneaux solaires dans la baie de San Francisco.

En matière de mobilité, San Francisco dispose de 100 stations de charge pour les véhicules électriques, – le plus haut taux d’équipement aux États-Unis– et espère développer leur implantation dans des endroits stratégiques, à l’aide d’un logiciel de collecte et d’analyse des données. « Un des challenges est de faire comprendre aux élus et aux décideurs ce qu’est une ville intelligente », ajoute Melanie Nutter « car si San Francisco peut compter sur l’engagement et le leadership du maire Edwin M. Lee, la plupart des villes n’ont pas encore de budget dédié aux projets smart cities », dit-elle, en étant néanmoins confiante dans la capacité des villes à coopérer. «  Les grandes villes ont le devoir de devenir des plateformes interactives où les citoyens, les entreprises et les décideurs partagent le même niveau d’information », affirme pour sa part l’élu parisien Jean Louis Missika.

Coopération renforcée

Les deux « Digital sister cities »ont noué des accords pour faciliter l’implantation de startups franciliennes dans la Silicon Valley et favoriser des projets de recherche communs entre l’université de Berkeley et des laboratoires et entreprises français. 

Le 12 février 2014 à San Francisco un accord de partenariat a été signé entre l’Inria, institut français de recherche et ses homologues américains, le CITRIS et PRIME, en présence de Madame Geneviève Fioraso, Ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Les chercheurs de l’Inria et du CITRIS verront leurs relations renforcées et s’appuieront sur le réseau et les programmes de PRIME sur les « villes intelligentes » pour étendre la portée de leurs projets en matière d’analyse de données, de système de transports intelligents et de réduction d’émission de CO2 . Avec à la clef des expérimentations nouvelles dans la Baie de San Francisco et la Région Ile-de-France.

 Une version de cet article a été publiée sur france-amerique.com en Avril 2013.

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