Bernie Sanders, un caillou dans la machine électorale d’Hillary Clinton

29 septembre 2015

Bernie Sanders, un caillou dans la machine électorale d’Hillary Clinton

https:::farm6.static.flickr.com:5004:5249566911_7e7428f619_bCandidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2016, Bernie Sanders incarne une gauche américaine radicale. A la veille du premier débat des primaires démocrates qui aura lieu le lundi 13 octobre 2015, sa popularité croissante crée la surprise, devançant dans certains Etats la favorite Hillary Clinton.

« Vous vous définissez et vous êtes traité de libéral et de socialiste. Pourquoi vous obstinez-vous à ne pas considérer ces termes comme l’insulte qu’ils sont censés être ? » lance l’interviewer Stephen Colbert à Bernie Sanders, invité du talk show The Late Show, sur la chaîne CBS. Dans un éclat de rire, le sénateur indépendant du Vermont et candidat à la présidentielle, se qualifie de « progressiste », citant en exemple les pays scandinaves.

Loin des projecteurs braqués sur le freakshow des candidats républicains dominé par le magnat de l’immobilier et des casinos Donald Trump, Bernie Sanders, 73 ans, a su rallier en quelques mois de nombreux jeunes, sous la bannière de « Feel the Bern ».

Parti de rien et inconnu du grand public en mai dernier, Bernie Sanders mène une campagne de terrain. Multipliant les meetings, il draine des foules inattendues à travers le pays,- 10 000 supporters dans le Wisconsin; 28 000 dans l’Oregon -, rallumant l’enthousiasme qui avait propulsé Barack Obama en 2008.

Cet élan populaire s’enracine dans le mouvement anti-capitaliste Occupy Wall Street, auquel la campagne de Bernie Sanders fait écho. Et ce, d’autant plus sincèrement qu’il apparaît consistant et constant dans ses prises de position à la Chambre des représentants et au Sénat.
Pourfendeur des inégalités entre le 1 % des plus riches et les 99 %, il milite pour le contrôle du système bancaire et la taxation des transactions financières; la réforme du système d’imposition; un accès universel à la sécurité sociale; l’accès gratuit à l’université; l’augmentation du salaire minimum et l’accès à des congés payés; la réforme du système judiciaire et d’immigration; ou encore la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

Qui est Bernie ?

Perpétuel outsider, souvent raillé, Bernie Sanders semble échappé d’un roman de Philip Roth. Né dans une famille modeste d’origine juive polonaise à Brooklyn, dont il a gardé l’accent, « The Bern » étudie la psychologie et les sciences politiques à l’université de Chicago dans les années 60. Activiste marxiste, il milite sur le campus pour le mouvement des droits civiques, mène des actions contre les discriminations raciales et contre la guerre du Vietnam.

Dans les années 70, il déménage dans le Vermont, un des Etats ruraux les moins peuplés sur les rives du lac Champlain, à la frontière du Canada, refuge des hippies et berceau des glaces Ben & Jerry. Tour à tour marié, divorcé, père célibataire, charpentier, documentariste, éditeur de fanzines, chômeur, Bernie Sanders surnommé « Silver tongue » pour ses talents d’orateur et sa propension à refaire le monde jusqu’au bout de la nuit, milite dans un obscur parti, Liberty Union, dont il devient candidat aux élections municipales de Burlington, en 1971. Pour autant, les victoires électorales ne viennent pas facilement.

B.Sanders et J.Jackson, alors candidat aux Presidentielles. Source: Bloomberg.com

En 1981, Sanders remporte, en tant qu’indépendant, la mairie de Burlington, la plus grande ville du Vermont, où il met en place un ambitieux programme de logements sociaux, et est réélu à deux reprises. Après avoir été des combats de Martin Luther King,  il soutient la candidature de Jesse Jackson aux présidentielles de 1984 et 1988, lui permettant de remporter cette année-là, la majorité aux primaires dans le Vermont, un Etat massivement blanc.

Elu indépendant à la Chambre des représentants de 1991 à 2007, et accède ensuite au Sénat où il est réélu en 2012, avec 71% de voix.

Sur le plan international, Bernie Sanders, opposé aux traites de libre-échange sur le plan économique, est partisan d’une diplomatie multilatérale dans la résolution des conflits, considérant l’usage des forces armées comme un « dernier recours ». Il a soutenu le processus de paix entre Israël et la Palestine et la reconnaissance de deux Etats; s’est opposé fermement à la première guerre du Golfe et à la guerre en Irak; ainsi qu’au Patriot Act, reconduit par le Freedom Act en 2015.

Bernie-mania

Dans l’Iowa et le New Hampshire, Bernie Sanders émerge comme un compétiteur sérieux dans les sondages face à la reine Hillary Clinton. Opposé aux « super PAC » qui permettent aux entreprises et aux milliardaires de financer sans limite les campagnes électorales, Bernie Sanders ne compte que sur le soutien des classes moyennes, des syndicats et des travailleurs pauvres pour financer sa campagne. Sa candidature a déjà enregistré un nombre record de petits donateurs (250 000 au premier trimestre de campagne, contre 180 000 pour Obama en 2007).

« La candidature de Bernie Sanders est un bon moyen de mettre sur la table des idées et des faits importants, et de pousser les démocrates vers la gauche », commente l’intellectuel et linguiste Noam Chomsky dans The Guardian.

Bernie et les Blacks

Du côté de l’électorat afro-américain et latino, traditionnellement acquis aux démocrates, Bernie Sanders reste toutefois un inconnu. Si 70 % de ceux qui le connaissent ont une opinion favorable, 2/3 des électeurs afro-américains ne le connaissent pas encore.

WestSoutenu publiquement (video) par le Dr Cornel West, un des intellectuels les plus critiques envers Obama, Bernie Sanders fait preuve d’un long engagement politique pour la justice sociale et raciale.

En juin dernier, les candidats Bernie Sanders et Martin O’Malley étaient chahutés et interpellés par deux militantes du mouvement « Black lives matter », lors du Congrès Netroots Nation. Mettant l’accent sur son programme économique et social, qui « compte tenu des disparités de revenus et de richesses dans ce pays, concerne plus encore les communautés afro-américaines et hispaniques », la réponse de Bernie Sanders était apparue insuffisante comparée à la colère ressentie par les nouvelles générations face au drame de Ferguson et aux violences policières.

Cet épisode dont Bernie Sanders a été la cible a eu le mérite de replacer dans le débat public une question brûlante. Démontrant qu’il avait bien reçu le message, Bernie Sanders s’est prononcé plus ouvertement :« Le racisme demeure vivant aujourd’hui et notre but, ensemble, doit être de mettre fin à toutes les formes de racisme institutionnel, et d’entreprendre des réformes majeures de notre système pénal » déclarait-il récemment en Caroline du Sud.

Selon un sondage réalisé en août dernier, Hillary Clinton recueillait la faveur de 80 % d’électeurs afro-américains, contre 27 % pour Sanders. Mais penser que les 17, 8 millions d’électeurs afro-américains qui ont voté pour Obama en 2012 vont voter automatiquement pour Hillary Clinton en 2016 à cause des sondages pourrait réserver bien des surprises.

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Commentaires

renaudoss
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Intéressant ce Sanders, même si je doute fort qu'il atteigne le haut du podium (à moins qu'il ne fasse une sacrée volte-face une fois élue, comme Obama). Sans un Jebb Bush, il est fort probable que Hillary l'emporte (on peut déjà le redire "Are you ready for Hillary"?).
Enfin, on verra bien :)